1 Οκτωβρίου 2020

Répression, expulsion et dépossession dans la Grèce de la Nouvelle Démocratie

La dernière attaque contre le mouvement des squats en Grèce est le préambule d’une opération massive de dépossession des logements par le gouvernement de droite.

Theodoros Karyotis

Traduction en français par Thierry Uso  

Publié par Les Possibles, la revue éditée à l’initiative du Conseil scientifique d’Attac.

Dimitris Indares était encore en pyjama lorsque la police a frappé à sa porte dans le quartier de Koukaki, à Athènes, aux premières heures du mercredi 18 décembre. Peu de temps après, il était allongé sur le sol de la terrasse de sa maison, avec une botte de policier des opérations spéciales sur la tête. Lui et ses deux fils adultes ont été battus, menottés, les yeux bandés et placés en garde à vue. Quel était le crime d’Indares ? Il avait refusé de laisser la police passer chez lui sans mandat dans le cadre de son opération d’expulsion du squat qui se trouvait juste à côté.

Le profil d’Indares n’est pas celui d’un squatteur. Un réalisateur de 55 ans, professeur d’école de cinéma, propriétaire d’une maison, politiquement modéré avec des opinions conservatrices, qui travaille dur pour que ses fils puissent aller à l’université. On pourrait dire qu’il est un membre typique de la classe moyenne grecque instruite et un électeur typique du parti de la Nouvelle Démocratie au pouvoir. Ce fait n’a pas empêché la police de porter contre lui des accusations criminelles fabriquées de toutes pièces, accompagnées d’une campagne de diffamation.

Le ministre de la Protection des citoyens a lui-même menti sans vergogne en disant que la police avait un mandat, qu’Indares avait résisté à l’arrestation et avait essayé d’arracher l’arme d’un policier, que ses deux fils étaient dans le squat voisin et avaient attaqué la police. Malgré les nombreux témoignages contraires et la fuite d’un enregistrement audio lorsqu’Indares était détenu qui réfute les accusations, les mensonges du ministre ont été répétés avec force par la machine de propagande du gouvernement : les médias de masse appartenant à une poignée d’oligarques alliés au parti au pouvoir.

Même lorsque Nikos Alivizatos, le médiateur pour la violence policière, nommé quelques mois plus
tôt par le ministre lui-même, a menacé de démissionner à la lumière des preuves de brutalité policière, la presse grand public s’est empressée de qualifier le professeur de droit constitutionnel de gauchiste qui se range du côté des squatteurs.

Le cas d’Indares a eu beaucoup d’échos, avec de nombreuses dénonciations des manipulations policières et gouvernementales. Cependant, le gouvernement et ses faiseurs d’opinion ont refusé de faire marche arrière. Ce qui est préoccupant ici, c’est que cette vague massive de soutien n’est arrivée que lorsque les libertés civiles d’un « père de famille moyen » ont été violées.

Depuis que la Nouvelle Démocratie a remporté les élections avec un programme de « loi et d’ordre » en juillet dernier, la police agit comme une armée d’occupation dans les villes grecques, violant régulièrement les droits de l’homme et la dignité. Détentions arbitraires, tortures, passages à tabac, attaques au gaz lacrymogène, raids dans les cinémas et les boîtes de nuit, humiliation publique, insultes verbales, sont à l’ordre du jour.

Toutefois, tant que la violence arbitraire de la police était dirigée contre les manifestants, les jeunes, les étudiants, les squatteurs, les homosexuels, les immigrés ou les marginalisés, la réaction de l’opinion publique face aux violations flagrantes et quotidiennes des droits de l’homme était au mieux timide. Malheureusement, ces pratiques odieuses sont rendues possibles par le soutien actif ou passif d’une partie de la société grecque qui est convaincue que tous les moyens sont légitimes dans la lutte contre l’ennemi intérieur, même la violation des droits constitutionnels et de la dignité humaine.

Indares lui-même, dans des déclarations à la presse après sa libération en attendant son procès, semblait confus quant à ce qui l’avait vraiment frappé. Il était évidemment consterné par la campagne de diffamation menée contre lui, mais il semblait se considérer comme la victime innocente d’une guerre juste. Dans l’enregistrement audio du moment de son arrestation, qui a fait l’objet d’une fuite, on l’entend reprocher à la police d’« agir comme des anarchistes », alors que la possibilité que des anarchistes s’introduisent chez lui, le battent et l’enlèvent est inexistante. Dans son désir de rester impartial, Indares ne reconnaît pas le caractère arbitraire de la répression policière ni la déformation de la réalité par les médias, tant que des gens ordinaires, pacifiques et travailleurs comme lui, restent à l’abri de cette violence.

Mais ce sont précisément les citoyens ordinaires pacifiques comme lui qui ont le plus à perdre dans ce nouveau cycle de dépossession en Grèce.

7 Ιανουαρίου 2020

Repression, eviction and dispossession in New Democracy’s Greece

The latest attack on the squatting movement in Greece is the preamble for a massive operation of housing dispossession by the right-wing government.

Theodoros Karyotis
First published in ROAR Magazine

Dimitris Indares was still in his pyjamas when the police knocked on his door in the neighborhood of Koukaki, in Athens, in the early hours of Wednesday, December 18. Not long after that, he was lying down on the floor of his home’s terrace, with a Special Operations policeman’s boot on his head. He and his two adult sons were beaten up, handcuffed, blindfolded and taken under police custody. What was Indares’ crime? He had refused to let the police go through his home without a warrant in its operation to evict the squat that was right next door.

Indares’ profile is not that of a squatter. A 55-year old film director and film school teacher, a homeowner, politically moderate with conservative views, working hard to get his sons through university. One could say he is a typical member of the Greek educated middle class and a typical voter of the governing New Democracy party. This fact didn’t stop the police from pressing fabricated criminal charges against him, accompanied by an operation of false accusations and defamation.

The Minister of Citizens’ Protection himself unashamedly lied that the police had a warrant, that Indares resisted arrest and tried to snatch the gun off a police officer, that his two sons were inside the squat next door and had attacked the police. Despite many testimonies to the contrary and a leaked audio recording of the moment Indares was being detained which disproves the accusations, the minister’s fabrications were repeated at full force by the government’s propaganda machine: the mass media owned by a handful of oligarchs allied with the governing party.

Even when Nikos Alivizatos, the Ombudsman for Police Violence appointed a few months earlier by the minister himself, threatened to resign in light of the evidence of police brutality, the mainstream press was quick to dismiss the Constitutional Law professor as a leftist who sides with squatters.

Indares’ case got a lot of publicity, with many denouncing the fabrications. Meanwhile, the government and its opinion makers refused to back down. What is of concern here is that this massive wave of support came only when an “average family man” had his civil liberties violated.

Since New Democracy was elected with a “law and order” agenda last July, the police have been acting like an occupation army in Greek cities, routinely violating human rights and dignity. Arbitrary detentions, torture, beatings, teargas attacks, raids in cinemas and nightclubs, public humiliation, verbal abuse, have been the order of the day.

Even so, as long as the arbitrary violence of the police was directed towards protesters, youth, students, squatters, homosexuals, immigrants or the marginalized, the reaction of the public opinion to daily gross human rights violations was at best timid. Sadly, such abhorrent practices are made possible by the active or passive support of a part of Greek society who have been convinced that in the battle against the internal enemy all means are legitimate, even the violation of constitutional rights and human dignity.

Indares himself, in press statements after he was released pending trial, appeared confused as to what really hit him. He is obviously appalled by the campaign of defamation against him, but he seems to consider himself the innocent victim of a just war. In the leaked audio recording of the moment of his arrest, he is heard reproaching the police of “acting like anarchists,” even though the possibility that anarchists break into his home, beat him up and kidnap him is non-existent. In his desire to remain equidistant, Indares does not acknowledge the arbitrary nature of police repression nor the reality-distorting function of the mass media, as long as peace-loving, hard-working, everyday people like him remain immune from this violence.

But it is precisely peace-loving everyday citizens like him who have most to lose in this new cycle of dispossession in Greece.